En 1995, un improbable couple australien nous fait le coup de la Belle et la Bête.
Elle, c’est une poupée Barbie, délicieuse petite chanteuse toujours belle et souriante. Et à l’époque, elle a déjà affolé les dancefloors de la planète grâce à son contrat avec la sinistre écurie Stock, Aitken et Waterman, responsable, oui je dis bien responsable du succès de Rick Astley, Jason Donovan et Sigue Sigue Sputnik.
Lui, il traîne derrière lui des années de punk, de rock, de blues et de toutes sortes de substances, et se gargarise de la violence de son public lors des concerts de son premier groupe, The Birthday Party.
Oui, décidément, Kylie Minogue et Nick Cave ont formé un bref couple musical pour le moins contre nature. Et pourtant, leur titre Where The Wild Roses Grow, « où poussent les roses sauvages », est une somptueuse ballade. Mais une ballade terriblement morbide lorsque l’on se penche sur les paroles écrites par Nick Cave d’après un chant traditionnel américain probablement d’origine irlandaise, Down the willow garden.
Where the Wild Roses Grow, c’est l’histoire du coup de foudre entre un homme dont on ne sait rien et une femme dont on ne connaît que le nom, Elisa Day, la plus belle qu’il ait jamais vue, She was more beautiful than any woman I’d seen. De cette femme on retiendra plutôt son surnom, The Wild Rose, la rose sauvage. Voici pourquoi.
Le premier jour où il l’a aperçue, il a su que c’était elle. Elle allait devenir son obsession. Elle lui a souri avec ses lèvres de la couleur rouge sang des roses qui poussent près de la rivière. Elle est sous le charme, ce sera son premier homme, he would be my first man. Le deuxième jour, il lui demande de l’accompagner près de ces roses. Petite parenthèse : si cette femme avait su que l’album de Nick Cave où figure cette chanson s’appelait Murder ballads, elle serait probablement restée à la maison. Mais bon, voilà… Elle accepte donc. Et le troisième jour, il l’emmène au bord de l’eau lui montrer les fleurs. Ils s’embrassent, il lui plante une rose entre les dents et lui écrase une grosse pierre sur le visage. Fin de l’histoire
Le tour de force de cette ballade fait penser au Dormeur du Val, de Rimbaud. Tout se passe dans la douceur, la beauté et le calme, puis, les deux trous rouges au côté droit, ou la pierre dans la main. On peut presqu’imaginer que cette jeune femme meurt en plein bonheur tant l’acte est inattendu et barbare.
Car tout réside dans cette phrase, All beauty must die, toute beauté doit mourir : le premier jour, c’est la perfection. Le deuxième, il comprend qu’elle vieillira, qu’au fil des jours, rien ne sera plus jamais comme ce premier moment. Et donc le troisième jour, il fige ce souvenir et ces images à jamais en la tuant. Bienvenue dans l’univers de Nick Cave, dont les influences gothiques sont toujours très sensibles.
En juin 2008, il déclarait avoir écrit cette chanson pour Kylie afin de voir si elle pouvait correspondre à son univers personnel. Tout le monde l’a pris pour un fou. Il lui a envoyé la démo, elle a accepté le lendemain. L’exemple même du coup de foudre. Musical, heureusement.
They call me The Wild Rose
But my name was Elisa Day
Why they call me it I do not know
For my name was Elisa Day
From the first day I saw her
I knew she was the one
She stared in my eyes and smiled
For her lips were the colour of the roses
That grew down the river, all bloody
and wild
When he knocked on
my door and entered the room
My trembling subsided in his sure
embrace
He would be my first man, and with
a careful hand
He wiped at the tears that ran down
my face
They call me The Wild Rose
But my name was Elisa Day
Why they call me it I do not know
For my name was Elisa Day
On the second day
I brought her a flower
She was more beautiful than any woman
I’d seen
I said, “Do you know where the wild
roses grow
So sweet and scarlet and free?”
On the second day
he came with a single red rose
Said: “Will you give me your loss an
your sorrow”
I nodded my head, as I lay on the bed
He said, “If I show you the roses,
will you follow?”
They call me The Wild Rose
But my name was Elisa Day
Why they call me it I do not know
For my name was Elisa Day
On the third day
he took me to the river
He showed me the roses and we kissed
And the last thing I heard was
a muttered word
As he knelt above me with a rock
in his fist
On the last day I took her
where the wild roses grow
And she lay on the bank, the wind light
as a thief
And I kissed her goodbye, said,
“All beauty must die”
And lent down and planted a rose
between her teeth
They call me The Wild Rose
But my name was Elisa Day
Why they call me it I do not know
For my name was Elisa Day
David
21 septembre 2011 à 4 h 15 min
Juste pour pinailler. L’article precedent “Your Song” portait deja le numero 11. Ce serait donc plutot le #12 … ou le 11bis
Sinon, toujours un plaisir de lire ces petits billets, merci
Nico
21 septembre 2011 à 6 h 49 min
le commentaire aurait précisé que l’album “Murders Ballad” est l’histoire romancée de Henry Lee Lucas…célèbre tueur psychopathe
Mr Wang
21 septembre 2011 à 10 h 16 min
Oui, et Kylie Minogue avait déjà quitté les trois affreux en 1992, opéré son virage artistique et changé son look de jeune fille gentille et propre sur elle avec “Confide in me” en 1994, même si Nick Cave lui a donné un peu plus de crédibilité encore avec ce duo.