L’enseignement supérieur, un privilège de “riches”?
L’enseignement supérieur en général – l’université en particulier – est-il réservé aux « riches » ? Vaste question… surtout quand on se souvient qu’un bon diplôme ne remplit pas nécessairement le portefeuille. Cela étant, on peut formuler le problème différemment : l’enseignement supérieur accueille-t-il préférentiellement des enfants de (bons) diplômés ? Ou plus crûment : les diplômés se reproduisent-ils entre eux ? Une demi-douzaine de chercheurs de l’ULB, de l’UCL et de l’ULG se sont penchés sur le sujet en 2010, analysant quantités de données.

Leur réponse en deux temps.
Un, l’université (utilisons-le terme au sens large) ne reproduit pas le schéma encore à l’œuvre dans certaines écoles secondaires : tout le monde est le bienvenu dans l’enseignement supérieur. Les institutions – quelles qu’elles soient – mettent d’ailleurs un point d’honneur à alléger la charge financière de ceux qui ont de réelles difficultés. Deux : le poids financier est tel – additionné du poids culturel – que dans les faits, les auditoires sont d’abord remplis de jeunes issus de milieux socioculturels plus favorisés. Explications.
« En dépit de l’absence de toute sélection à l’entrée et de droits d’inscription relativement peu élevés, l’université reste essentiellement fréquentée par des jeunes dont les parents sont eux-mêmes diplômés de l’enseignement supérieur universitaire ou non universitaire, concluent les chercheurs. Ceux-ci y sont nettement plus nombreux que dans la population de référence. » En fait le poids des étudiants issus de ces milieux est 2,5 fois plus important que leur proportion réelle dans la population.
Plus préoccupant, la situation s’est détériorée ces dernières années : la comparaison met en évidence une légère ouverture, entre 1986 et 1997, de l’enseignement universitaire aux jeunes dont les parents sont peu diplômés, mais montre aussi que cette tendance ne s’est pas prolongée dans le temps.
La démocratisation par les filles
Autre constat : la part de filles dont les parents ne sont pas titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur augmente avec le temps, ce qui fait dire aux chercheurs que si « l’université se démocratise, c’est essentiellement au travers des filles ».
L’équipe pluridisciplinaire a aussi cherché à corréler le genre, les études antérieures et les études universitaires suivies. Ainsi, il apparaît que « les domaines les plus « démocratiques » (où l’on retrouve proportionnellement le moins de jeunes dont au moins un parent est diplômé de l’université) sont aussi ceux où l’on retrouve le plus d’étudiants qui n’ont pas suivi la voie qui apparaît comme « royale » pour entamer des études universitaires (maths fortes) et le plus de filles. Et inversement pour les domaines les moins démocratiques qui se révèlent les moins féminisés et comptent une part élevée d’étudiants sortant de maths fortes ».
Qu’est-ce que tout cela nous dit de la réussite ? La question peut être formulée autrement : un jeune issu d’un milieu socioculturel élevé réussit-il plus facilement qu’un camarade issu d’un milieu socioculturel moins favorisé ? De nombreux témoignages tendent à répondre par la négative. Une prochaine étape de la recherche devrait apporter d’intéressantes conclusions.
Eric Burgraff
(1) « Profil des étudiants entamant des études universitaires et analyse des choix d’études », par Catherine Vermandele, Charles Plaigin, Vincent Dupriez, Christian Maroy, Maud Van Campenhoudtet Dominique Lafontaine, dans « Les Cahiers de Recherche en Education et Formation », avril 2010.
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Vincent le 12 septembre 2014 à 11 h 27 min
Je pense que les enfants issus de familles dont au moins un parent à fait des études supérieures sont souvent mieux préparés à débuter de telles études, tout du moins s’ils ont été suivis durant leurs cycles précédents. Les parents connaissant l’investissement nécessaire à la réussite de telles études.
Permalien |A contrario, les enfants issus de familles ou les parents ont arrêté les études avant d’avoir atteint le niveau supérieur rencontrent probablement plus de difficultés car sans doute sont-ils moins bien préparés.
Ces remarques ne constituent bien évidemment pas une généralité, certaines personnes plus fortes de caractères réussissant fort heureusement à sortir de leur condition modeste, peux favorable à la réussite universitaire et vice versa.
Je reste par contre tout à fait certain, que l’accès, en tant que tel, aux études supérieures ets bien possible aux personnes de toute condition mais que, comme pour beaucoup d’autres domaines, le fait d’être “bien né” est un sérieux avantage dès le départ …
Ben le 12 septembre 2014 à 11 h 44 min
“L’unif est-elle réservée aux riches?” C’est quoi au fond un “riche” …?
Permalien |Smita le 12 septembre 2014 à 12 h 45 min
un riche est celui qui termine serein chacun des mois de sa vie
Permalien |Nestor M. le 12 septembre 2014 à 12 h 04 min
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Distinction._Critique_sociale_du_jugement
Permalien |Jean-Louis Lefebvre le 12 septembre 2014 à 12 h 51 min
Si l’enfant a les capacités et les parents responsables, il y a toujours moyen de payer l’unif. Mais cela implique de réduire les loisirs, de trouver des rentrées supplémentaires, que l’enfant trouve un job étudiant. Oui, c’est dur mais pas insurmontable.
Permalien |Renaud Maes le 12 septembre 2014 à 13 h 05 min
Je reste pantois face à cet article.
Il regorge d’assertions incroyables (comme celle qui consiste à opposer “de nombreux témoignages” aux origines non-définies à des résultats quantitatifs obtenus par l’équipe Vermandele et al. sur la base de données “enquête socio primo-inscrits” regroupant une large majorité des étudiants de première BA des 3 universités complètes ou encore à prétendre que “tout le monde est bienvenu dans l’enseignement supérieur”… en opposition à certaines écoles du secondaire, alors même que les frais d’inscriptions – dans les hautes écoles et écoles supérieures des arts – et de dépôt de dossier d’admission – pour tout l’enseignement sup – varient sensiblement d’une institution à l’autre, en fonction de leur politique sociale, elle-même volontairement laissée à l’arbitrage des institutions suite à la loi de 1960 sur les avantages sociaux), qui sont autant de caricatures bien éloignées de la qualité des travaux de mes collègues.
Et tant qu’à faire, pour la suite de la recherche, je vous suggère d’utiliser Google, en utilisant le nom des auteurs comme mots-clés, pour obtenir en un clic les résultats de 2012, publiés eux aussi dans un cahier du Girsef…
http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/girsef/documents/cahier_87_vermandele-final.pdf
Par ailleurs, il existe quantité de travaux sur les inégalités dans le supérieur, et peut-être que si vous preniez le temps de contacter l’un des auteurs de l’étude, il/elle pourrait vous fournir une analyse quelque peu plus fouillée et précise de la situation et de son évolution… effectivement plus que problématique en terme d’ouverture sociale.
Quant au sondage demandant l’avis des lecteurs de ce blog sur des résultats de recherches, je me demande si demain vous demanderez auxdits lecteurs de voter un “pour ou contre” la loi de l’offre et de la demande ou de se prononcer sur l’utilité des surfaces de Gauss…
Permalien |Vincent le 12 septembre 2014 à 16 h 31 min
En tout cas Mr Renaud Maes , y est allé lui a l’université ^^
Permalien |entopan le 12 septembre 2014 à 17 h 45 min
J ai l intime conviction que le degré de préparation n est peut être pas le facteur déterminant pour reussir…c est plutôt le manque de support durant le cursus universitaire qui est prépondérant pour les moins nantis…je suis moi meme issue d une famille monoparentale de 4 enfants et j ai été bien obligée de travailler à temps plein tout en accomplissant 10 ans d unif ( master et doctorat)…il est clair que les moins nantis doivent travailler 2 FTE pour réussir: etudier et bosser temps plein. ..cela peut en rebuter plus d un…
Permalien |thierry le 13 septembre 2014 à 8 h 55 min
L’unif. est une sphère social comme les autres, donc avec ces injustices. Comme dans la vie, elle sera plus aisée si vous êtes riche, en bonne santé et bien encadré dans une structure familial stable. Si vous avez du talent et des compétences hors normes pas trop de soucis. Par contre si vous êtes limite, là votre statut social entre en jeu. Il est toujours plus intéressant pour une école de faire réussir un élève avec une structure social importante qu’un fils où fille de personne. Et ceci est une vérité; pourquoi doit-on remplir une fiche avec son nom et la profession des parents lors de chaque cours ( il y a 20 ans j’ai du le faire), d’en autre but que de catégoriser les élèves?
Permalien |lucfouarge le 13 septembre 2014 à 9 h 00 min
http://go.cccom.fr?g=s20sg97aur
“Ca va l’école” par Vincent CESPEDES
Permalien |Chantal le 14 septembre 2014 à 10 h 49 min
Les études sont principalement basées sur les capacités logico-linguistiques. Hors les familles ayant un niveau d’études supérieures ont souvent un niveau linguistique plus élevé que la moyenne de la population. Les enfants issus de telles familles ont donc des facilités que d’autres issus de familles moins scolarisées n’ont pas .
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